Un peu de cinéma, un peu de littérature

On le sait - ou pas - mes goûts sont éclectiques. 
Là où va le plus grand nombre n'a jamais été l'un de mes critères de choix.
Un billet avec quelques films récents, "La cour de Babel", "De toutes nos forces", "Les grandes ondes", et deux livres plus anciens "Maison buissonnière" et "Barrage contre le Pacifique".


La cour de Babel (documentaire de Julie Bertuccelli)

Une année scolaire dans une classe d'accueil, à Paris.
Des adolescents venus d'ailleurs, du monde entier, avec quelques mois, une année pour apprendre le Français et rejoindre le cursus scolaire standard.
Ce film, c'est l'apprentissage de la langue, mais aussi des parcours de vie, complexes déjà, à onze ou quinze ans à peine. Collégiens aux comportements standards, collégiens aux préoccupations d'adultes.
Que l'on ait quitté son pays par choix ou par contrainte, c'est là la différence.
Le film est coloré, émouvant, drôle parfois, sensible toujours.
La professeure de Français est impressionnante de calme, de douceur, de fermeté ; sûr qu'elle laissera en eux une empreinte.

En sortant de la salle, on est touchés, surpris, admiratifs.
Quelle belle leçon de vie que celle donnée par tous ces gamins.
Et cela vaut mieux que de beaux discours. A n'en pas douter.

Affiche de La cour de Babel


De toutes nos forces (film de Nils Tavernier)

Très beau titre, très beau film. Solaire.
Au centre, la volonté d'un garçon de 18 ans, Julien, d'avoir une vraie relation avec un père trop souvent absent. Que Julien soit dans un fauteuil roulant, devient au fil du film, non un frein mais un moteur détonnant.
Sur fond de performance athlétique, de dépassement de soi, d'une famille délitée qui se rassemble autour d'un enfant différent, tenace, terriblement attachant.
Des acteurs vrais, un film qui fait du bien.
L'acteur Fabien incarnant Julien est tout simplement émouvant, avec un sourire tout à lui illuminant le film d'un bout à l'autre.
Un article sur lui, là :
http://www.europe1.fr/Cinema/Fabien-20-ans-handicape-et-heros-du-film-De-toutes-nos-forces-1925437/




Maison buissonnière, d'Isabelle Minière (éditions Delphine Montalant)

On le sait, j'aime les livres d'Isabelle. Son style est inimitable, touchant et drôle tout à la fois.

"Cinquante balais, des plis au coin des yeux, des plis tout partout, au fond du coeur surtout, des plis d'usure. Je suis tout froissé."

Isabelle écrit juste. Sa sincérité, son empathie, son intelligence des relations humaines se dévoilent dans chacune de ses histoires. Isabelle joue. Avec les mots, les situations, prend les expressions au pied de la lettre. Isabelle renverse les situations, nous promène aux lisières du réel, nous amuse avec subtilité.
En toute fin du recueil, elle laisse affleurer son éternel optimisme : son talisman.

Vivement lire "Je suis très sensible", après l'été, son prochain roman chez Serge Safran.

Maison buissonnière par Minière


Les grandes ondes (de Lionel Baier )

Quelques jours de vacances, une ville du nord sous une pluie fine, et si on allait au cinéma ?
Le film doit être tout public, le genre comédie est recommandé afin de plaire à tous.
J'opte pour "Les grandes ondes"... Un film décalé, certes. Et pourquoi pas ?
Allez, on y va.

1974, deux journalistes suisses sont envoyés par leur radio réaliser un reportage au Portugal. Ils doivent montrer tout ce que la Suisse a réalisé pour ce pays. Un technicien les accompagne, ils prennent avec eux un jeune homme comme traducteur après quelques mésaventures par méconnaissance de la langue portugaise.

Je découvre l'actrice Valérie Donzelli, je l'adore de suite, tout à fait épatante dans ce rôle de jeune et jolie journaliste, féministe un brin ambivalente, femme de caractère, moderne, mais aussi emplie d'empathie et de gentillesse. Michel Vuillermoz, ancien reporter de guerre, matcho pénible, un brin psychorigide, nous touche bien vite avec ses pertes de mémoire qu'il cache à tous.

Le film est plutôt subtil, comédie, certes, certainement pas grosse farce.
Comique de situations, de mots surtout.
Un brin historique, avec La révolution des oeillets.
Pourtant, le plus important, comme dans la vie peut-être, ce sont les relations humaines.
Avec une scène finale aussi simple que touchante.




Barrage contre le pacifique, de Marguerite Duras

Il y a de la tristesse dans ce roman, tel l'incessant va et vient de l'océan, Pacifique.
Tout est dans le titre, comme si l'on pouvait empêcher le déferlement de l'océan sur les terres, comme si l'on pouvait retenir la folie, la contraindre par des barrières.

Il y a la mère, plongée dans ses calculs et projets, les combats qu'elle mène, contre l'administration indochinoise, contre le Pacifique, batailles perdues d'avance : ses terres sont et resteront inexploitables. L'optimisme de jeunesse s'est mué en opiniâtreté, et l'on voudrait tant qu'elle lâche prise.

Il y a le frère, qui étouffe sur cette terre pauvre, bricolant sa guimbarde, chassant, écoutant toujours les mêmes disques sur son phono. Drôle de modèle pour la jeune soeur, mais modèle quand même. Drôle de soutien pour la mère seule, mais soutien quand même. Un jour le frère part, avec l'aide d'une femme de la ville, amoureuse. Plus de modèle, plus de soutien, plus rien.

Et puis il y a la jeune soeur, un double de Marguerite Donadieu durant sa jeunesse indochinoise. On ressent un malaise à la voir, jeune et jolie, sous le regard concupiscent de M. Jo, homme riche et laid, qui semble durant quelques semaines être un espoir de fuite. La jeune soeur a du caractère, pourtant, le mariage semble être la seule issue pour s'échapper et rejoindre, peut-être, la métropole...

Marguerite Duras a publié plusieurs livres avant celui-là, son style ici s'affirme, sobre, répétitif, incarnation de la tristesse, et sous-jacent , cet espoir fou que l'amour soit la seule chose qui vaille.


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