Bye Annie


Annie Saumont est morte ce mardi 31 janvier 2017. Tristesse ...


Lycéenne, j'ai découvert la traductrice avec "L'attrape-coeurs", de Salinger.
Je ne pensais pas un jour rencontrer Annie Saumont, ni organiser un salon littéraire dont elle serait l'héroïne, je rêvais d'écrire, d'être auteure, sans savoir par quel bout attraper cette idée évanescente.


Les années ont passé.
J'ai découvert l'immense écrivaine, exclusivement nouvelliste : Annie Saumont reniait farouchement ses premiers romans.

En 2011, j'ai organisé la deuxième édition de "Nouvelles en musique", mon 4ème enfant, ce salon autour de la nouvelle, la lecture à haute voix, l'accompagnement musical.
Après Georges-Olivier Châteaureynaud en tant que parrain de la première edition, Annie a accepté d'être marraine pour la seconde. Ce qui l'a décidée ? L'échange prévu avec les collégiens. Sans la perspective de ce questions réponses avec des adolescents, Annie ne serait pas venue.


Nous échangions par mail afin de préparer cette journée, et puis Annie m'a invitée pour le café un après-midi chez elle, dans une ville où j'avais habité plusieurs années, dans une rue que je connaissais par Coeur.
Je l'avoue, ce fut étrange de la découvrir sur le pas de la porte de son appartement, exactement comme je l'avais vue sur de nombreuses photos : pas très grande, frêle, les cheveux blancs coupés courts, avec un grand sourire.


Mais Annie savait vite vous faire oublier qu'elle était une personnalité des Lettres françaises. Elle fut  très attentive et je ne tardai pas à me laisser embobiner : c'est elle qui me posa des questions ! Sur moi, mon écriture, ... Une vraie gentillesse, très touchante. Elle me parla de ses livres aussi, j'en connaissais beaucoup, je ne les connaissais pas tous, je repartis avec quelques Poche.


D'autres auteurs, je pense en particulier à mon amie Isabelle Minière, ont eu eux aussi maille à partir avec cette attention à ses confrères et consoeurs nouvellistes, y compris en devenir.


Annie fut généreuse le jour du salon.
Elle ne resta pas sur la scène du théatre, elle s'assit au milieu des élèves.
Elle répondit à chaque question de collégien, de collégienne.
Réponses brèves. Grande humilité lorsqu'elle avouait ne pas savoir, parfois, souvent, d'où lui venait telle ou telle histoire. Elle parla de son expérience de la traduction, de ses influences, de Cortazar, de son besoin d'être toujours dans l'écriture, de son prochain livre à paraître.


Puis ce fut la séance de dédicaces, et les adolescents qui faisaient la queue ...




En début d'après-midi, Annie me demanda si je pouvais trouver une solution sans elle pour la table ronde une heure après ... Je devais animer cet échange entre Annie et Dominique Fabre.
Elle posa la question avec une apparente légèreté, je sentis que c'était plus profond : elle ne souhaitait pas venir sur scène. Elle voulait bien dédicacer encore un peu, et puis rentrer.
Quand on organise ce type d'événement, on rencontre chaque année un gros imprévu, humain le plus souvent.
Je proposai à Isabelle Minière de participer à l'échange avec Dominique Fabre, elle accepta et ce fut réussi.
Annie nous avait déjà beaucoup donné.





Je la raccompagnai en milieu d'après-midi à son taxi, et c'est là je crois qu'elle parla de mon recueil. "Passions croisées" était la nouvelle qui lui avait le plus plu. Une histoire avec chute comme je n'écris pas toujours. Un texte comme la queue du scorpion m'avait dit un jour Fulvio Caccia qui l'avait publié une première fois. Peu d'auteurs prennent le soin de lire les autres, Annie avait eu cette attention. Une vraie grande dame.


Le taxi était une grosse berline au chauffeur attentif. Annie semblait minuscule dans l'habitacle cossu.
On se dit aurevoir.


Un mois passa et je reçus "Le tapis du salon", avec une courte dédicace.
Un recueil très réussi, d'une grande diversité de tons, avec l'humour d'Annie. J'en avais dit quelques mots là :
http://sternsophie.blogspot.fr/p/ce-que-je-lis-ce-que-jen-pense.html
lecture janvier 2012.


Annie passa sur France culture, dans la Grande librairie. Elle fut elle-même, peu loquace. L'essentiel s'est toujours joué ailleurs.


Aujourd'hui, il nous reste des souvenirs, des dizaines de nouvelles, on parle de plus de 300 ... Comme Maupassant.


Annie, vous allez nous manquer ...

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