Nouvelles dans les cartons #1 "Un passe-temps"
Mars 2006, première publication en revue. La nouvelle s'appelle "Un passe-temps".
Une première fois, ça ne s'oublie pas. Des gens que je ne connais pas vont lire les mots que j'ai écrits.
Cela m'enthousiasme et m'angoisse d'un seul et même mouvement.
Ecrire, c'est intime. Publier, c'est se soumettre au regard des autres, à leur jugement.
Pour rester sereine, depuis longtemps j'ai fait mienne cette locution proverbiale :
"La critique est aisée et l'art est difficile."
Un
passe temps
Paris Vème, le 10 juin 2001
Mon cher
Jacques,
La famille se porte bien. Les enfants sont en pleine forme, Jocelyne déborde d’entrain, quant à moi je m’efforce de rester calme et serein comme à l’accoutumée. La sortie du dernier tome de ma saga russe est prévue pour le mois prochain. Enfin ! Quel soulagement ! Je profite du printemps, fort agréable, pour réaliser de longues promenades sur les quais avec Frimousse.
Et toi ? Avances-tu comme tu le souhaites dans ton étude des légendes aborigènes ? Te plais-tu toujours autant à Hobart ? Partages-tu toujours tes week-ends entre le bushwalking, les barbecues et le didgeridoo ? Ah, comme je t’envie de vivre au milieu des grands espaces, moi parisien de toujours … Pour nous les journées s’étirent alors que les tiennes s’amenuisent, et bientôt ton mont Wellington sera enseveli sous la neige. Alors pour te divertir, je vais te conter une histoire. Elle te paraîtra sans doute étrange. Cependant, tu me connais assez pour savoir que ce n’est pas une affabulation d’écrivain.
Cette histoire me touche de près et tu découvriras plus loin ma modeste contribution. Son héros est le fameux Bouchon-Meunier. Tu as sans aucun doute entendu parler de lui lorsqu’il a reçu le prix Nobel de physique peu avant ton départ pour la Tasmanie. Cependant, tu n’as guère connu sa rapide médiatisation dans notre pays. En six mois, il est devenu le vulgarisateur scientifique de référence. Interviewé pour un oui pour un non, sur la disparition des dinosaures, le trou de la couche d'ozone ou encore le maïs transgénique.
Cet homme, grand, vigoureux, les traits réguliers, le cheveu long et brun, le regard vert-bouteille pétillant, la voix cassée, le phrasé houleux était connu de la France entière. Il reste encore présent dans les mémoires bien qu’il ne soit plus passé dans les médias depuis de longs mois.
Mais n’allons pas trop vite. Ce que tu ne sais pas, c’est qu’il a été mon voisin de palier durant quelques temps. Nous nous croisions régulièrement dans l'escalier sans jamais échanger d'autres paroles que les plus banales. J'aurais pu le féliciter pour son Nobel, ou bien lui dire combien j'appréciais ses prises de parole, qu'en l'écoutant j’appréhendais enfin d’importants sujets scientifiques. Jamais je n'ai osé. Je ne lui parlais même pas de la pluie et du beau temps, inépuisable sujet de conversation pourtant, si j'en crois ma voisine du quatrième. Je me contentais de bonjours-bonsoirs on ne peut plus brefs.
Cela ne t'étonne guère, tu me connais assez pour savoir que je ne suis pas homme à me lier facilement. On m'avait dit que cela s'arrangerait avec l'âge, mais maintenant que j'ai passé le cap des cinquante, je crois bien que c'est sans espoir. Tant pis pour Jocelyne que cela agace et qui me traite régulièrement d'ours ! Sans que cela n'y change rien d'ailleurs. Je suis ainsi. Et c’est peut-être grâce à cela que j’écris. Quand on n'est pas homme de verbe il faut bien être homme de mots. Mais je diverge.
Avec Bouchon-Meunier, nous aurions pu continuer indéfiniment à nous
comporter tels deux inconnus. Pourtant, le hasard ou le destin, je ne saurais
dire, en a décidé autrement. Un jour, nous nous sommes rencontrés. Très exactement le 11 août 1999. C'était un après-midi
exceptionnel, celui de la fameuse éclipse de soleil, l'éclipse totale.
Je m'en
souviens comme si c'était hier. Nous nous sommes retrouvés, lui le scientifique
de grand renom, et moi, l'amateur de dernière heure naïvement gagné par
l'euphorie médiatique, sur nos balcons jumeaux, chacun rivé à sa lunette
d'observation. C'est là que Bouchon-Meunier m'a abordé pour la première fois.
Il débordait d’enthousiasme. De sa voix reconnaissable entre mille, il parlait
de grains de Baily, de configuration rarissime, de la bataille truquée du jour et de la nuit.
J’étais conquis par ses explications limpides. Sa verve entraîna la mienne et
je renchéris en égrenant quelques vers. Il poursuivit sur sa lancée, il
dessinait de ses doigts, dans le ciel, l'emplacement des astres, leur orbite.
Et moi je citais pêle-mêle Lamartine et Virginia Woolf. Nous étions tels deux
fous, chacun enfermé dans son monde. Pourtant, nous nourrissions l’illusion de
communiquer, de nous comprendre.
Depuis
ce jour, il nous arriva souvent de parler ensemble de l'univers. Dans la cage
d'escalier, chez le boulanger, dans le square. Dès que nous nous rencontrions
nous reprenions notre conversation. Il me donnait des nouvelles de quelque
supernova, me parlait des éclipses à venir, et moi je l’écoutais comme s’il me
parlait de sa famille. Malgré mon maigre bagage
scientifique, je suivais avec délice ses exposés de vulgarisateur acharné,
désireux d’apprendre la science à tout un chacun. Son euphorie était
communicative et ensemble nous perdions systématiquement la notion du temps.
Combien de fois Jocelyne n'est-elle pas venue me chercher au pied des
boîtes aux lettres, me reprochant de tarder pour le dîner. Elle aurait aimé
partager nos élucubrations. Plusieurs fois elle me demanda d’inviter
Bouchon-Meunier à dîner, ce que je me gardai bien de faire ! Lui et moi,
étions ... j'hésite à l’écrire, comme deux collègues. Pourtant c’est cela,
notre relation ressemblait à celles souvent superficielles que l'on entretient
dans le travail. Je ne savais rien de lui, hormis ce qui a toujours été su du
grand public, son intelligence, son acharnement à comprendre, sa grande mémoire.
En tant que voisin, je connaissais aussi sa solitude. Je n’ai jamais croisé
personne sur son palier. Cela me paraissait curieux pour un homme si beau et si
médiatisé de surcroît.
Ce type de rapports entre nous dura plusieurs mois. Parfois, je songeais n’être
pour lui que l'oreille attentive dont il manquait dans son grand isolement.
Cette pensée ne me froissait point, peu importait la raison pour laquelle il
m'accordait ses réflexions, j'estimais avoir de la chance.
Un soir d’été, il me prouva la confiance qu’il m’accordait : il me
dévoila son secret. Nous étions sur nos balcons et nous discutions étoiles
selon notre habitude. La conversation portait sur les sondes spatiales et les
vols habités. C’est alors que Bouchon-Meunier se raconta. Enfant précoce,
solitaire et passionné d’astronomie, il avait rêvé devenir plus tard
astronaute. Son souffle au cœur l’en avait empêché. Alors il s’était contenté
d’étudier l’astrophysique, d’observer l’univers depuis la Terre. Mais ce désir
de voyager dans l’espace ne l’avait jamais quitté. Au fil des ans, il était
même devenu plus impérieux. Il ressentait une frustration immense de ne pouvoir
l’assouvir. Un matin, au sortir d’un rêve, il avait trouvé la solution. La
technique spatiale devait fortement évoluer dans les décennies à venir.
Bientôt, les navettes iraient plus vite et plus loin. Les vols spatiaux ne
seraient plus réservés à une élite, tout un chacun pourrait photographier la
planète bleue depuis un hublot. Il fallait alors attendre jusqu’à ce moment,
atteindre cette époque, en bref, passer
le temps. Et c’est ainsi qu’il avait entrepris de construire sa machine à
voyager dans le temps.
Il me dit cela avec le plus grand sérieux. Je restai ébahi et ne pus
prononcer un mot. Était-ce une plaisanterie ? Il se mit alors à parler
avec emphase, si volubile qu’il était impossible de l’arrêter. Il projetait de
mettre le cap sur le siècle futur, il verrait avec cette génération à venir des
étoiles bien au-delà du système solaire. Ce serait sa revanche.
Ma sensibilité d'écrivain, ma propension à prendre mes rêves pour des
réalités m'ont transporté au septième ciel, j'ai senti mon cœur battre plus
vite, la paume de mes mains devenir moite. J'avais l'impression de redevenir le
petit garçon de dix ans que j’avais été, dévorant un nouveau livre de Jules
Verne. J’avais le vertige. Je demandai aussitôt à voir cette merveille. Il
accepta.
Lorsque je parvins sur le seuil de son appartement, il m’attendait
nerveusement. Dès que j’entrai, il referma vivement la porte derrière moi, puis
se faufila devant et entreprit de me faire visiter les lieux. Il était d’une
vivacité incroyable. Son appartement me surprit. J'eus le plus grand mal à y
reconnaître une disposition identique au mien. Il était d'une modernité
absolue, un pur chef-d’œuvre domotique,
un mot de lui ! C'était troublant de découvrir cet appartement high tech, oui c'est le terme, à l'abri
d'une façade classique du siècle dernier et de volets métalliques grinçants.
Sur notre passage, les portes s'effaçaient, les lampes s'allumaient. Dès que
nous pénétrions dans une pièce, une étrange musique synthétique se faisait
entendre, à chaque fois différente et en harmonie avec l'utilité de la pièce.
La cuisine était des plus folles, digne d’appartenir à un cargo spatial. Il
m'expliqua en deux mots en quoi consistait son alimentation. Cela me fit
frémir.
Curieusement, c'est dans la salle de bains, et pourtant tu sais combien
elle est petite, qu'il avait installé la bête. L'esprit encore imbibé de mes souvenirs
de lectures enfantines, « De la Terre à la Lune » et « Vingt mille
lieues sous les mers », je m'attendais à une machine gigantesque avec une
carapace métallique, de gros rivets et des hublots. Au lieu de cela, je
découvris une boîte transparente, tout juste assez grande semblait-il pour
contenir une personne, avec au fond un fin matelas et un minuscule tableau de
bord.
En un instant, je dégringolai de mes rêves et me fâchai en moi-même après
ma crédulité. Voyons, je n'étais plus un gosse, comment avais-je pu m’ouvrir à
cette absurdité ? Je devais faire une triste mine, Bouchon-Meunier partit
dans un formidable rire que je ne lui connaissais pas. Abasourdi, je le
regardai sans mot dire. A ce moment-là je me suis demandé si je n’avais pas à
faire à un fou. Je me promis de ne pas traîner dans cet appartement à gadgets
avec ce professeur Nimbus.
Sans doute devina-t-il mon inquiétude, il se calma et entreprit de
m'expliquer le fonctionnement de sa drôle de boîte. Il commença par me dire que
plus une machine était simple, plus elle était robuste. Je hochai la tête,
dubitatif à l’extrême. Tout de même, je ne suis pas un scientifique mais je ne
suis pas un imbécile, pensai-je. Une boîte en plastique pour aller voir les
robots de la dixième génération, je ne marche pas !
Il ne s'aperçut de rien, ou bien fit semblant et poursuivit son exposé. Il
me montra l'épaisseur des parois en plexiglas, la porte coulissante, son
mécanisme de fermeture fortement sécurisé, le masque à oxygène rangé dans son
compartiment, auto-éjectable en cas de dépressurisation, l'éclairage,
l'alimentation, et enfin le poste de commandement, un simple écran tactile. La simplicité c'est la robustesse ! Ne
cessait-il de couiner. Il gesticulait, insistait sur la maniabilité de la
machine, sur son aspect pacifique, sa légèreté. Au moins sur ce dernier point,
nous étions d'accord ! Elle ne devait pas peser plus de cent kilos. Il
s'excusa de ne pas me dévoiler son principe de fonctionnement mais il craignait
le comportement des foules face à pareille machine, il préférait emporter son
secret dans le futur.
Ma foi, je ne lui en voulais pas le moins du monde ! Il me dit qu'il
lui restait quelques tests ultimes à effectuer et qu'il ferait très
prochainement un premier essai. Bien sûr, pensai-je avec ironie, des tests de
pré-qualification, comme pour les fusées ! Je me retenais pour ne pas
pouffer de rire et je m'étonnais de ce grain de lucidité noyé au sein d'un si
joyeux délire. Bientôt, je m’éclipsai.
A partir de ce soir-là, nos discussions prirent brutalement fin.
Dorénavant, je le croisais très rarement. Il paraissait à chaque fois si
absorbé par ses pensées, qu’il ne semblait pas même me voir. Je me demandais
dans quelle mesure il ne le faisait pas exprès. Cela me vexait passablement,
mais j'étais moi-même très occupé à terminer une première version du dernier
tome de ma saga russe, mon éditeur m'a mis une telle pression pour ce livre.
Bref, cela m'arrangeait de ne pas perdre des heures en conversations, somme
toute inutiles pour mon travail.
Un soir, peu avant Noël, alors que je promenais Frimousse dans le square,
j'aperçus Bouchon-Meunier assis sur un banc, les yeux perdus dans le vague. En
souvenir de toutes nos divagations sidérales, j'eus pitié de lui et je
m'approchai du banc où il était assis. Quand il me vit, il sourit.
- Bonjour Fougères, comment
allez-vous ?
- Bien, et vous ?
Là, il me regarda tristement. Il m'avoua qu'il ne parvenait pas à faire
fonctionner sa foutue machine. Il me
révéla ne pas même réussir à se projeter dans la minute suivante. Il était
vraiment désemparé, et crois-moi, je ne songeais pas à rire. Il saisit un petit
morceau de bois et entreprit de graver des courbes dans la terre froide. Je ne
comprenais goutte mais je pensais que cela devait le soulager.
Tu sais comment
on est à l'approche des fêtes, on voudrait que le monde entier soit heureux et
l'on fait de son mieux pour être aimable. Alors je l'écoutais patiemment en
hochant la tête et en songeant « Pauvre diable ! » Même
Frimousse, si impatiente d'ordinaire, grelottait sans un gémissement, sa petite
tête penchée sur le côté.
Je finis par comprendre qu’il bloquait sur un damné paramètre alpha, qui était peut-être
la cause de tout, et qui l'empêchait d'aller vers le futur, un peu comme une
pente trop raide que l'on tenterait de parcourir à pied. Ce paramètre, c'était
comme un mur. Ma patience et ma bonhomie saisonnières ayant cependant leurs
limites, j'eus une idée saugrenue que je lui confiai sans même y réfléchir.
- Pourquoi ne tenteriez-vous pas un
voyage dans le passé, afin de conforter votre théorie, le paramètre alpha sera
peut-être un moteur au lieu d'être un frein ?
Il resta muet. Puis il se frappa rudement le front
du plat de la main. Et murmura :
- Mais oui bien sûr, pourquoi n'y ai-je pas songé
moi-même ?
Et il partit en marmonnant sans même songer à me dire au revoir.
Ah ces savants, pensai-je, ils ne
vivent décidément pas dans le même monde que nous ! Et je rentrai à la
maison avec Frimousse boudeuse, moi-même plus fâché que je ne voulais bien me
l'avouer, par les manières cavalières de Bouchon-Meunier.
Nous passâmes les fêtes avec les enfants. Puis je passais mon mois de
janvier à relire les épreuves. Bref, je fus très occupé et j'oubliais
complètement une fois encore Bouchon-Meunier.
C'est par un matin de février, que Jocelyne me fit la réflexion, l’on
n’avait pas vu Bouchon-Meunier depuis un bon moment. Elle avait remarqué que
ses volets étaient tirés depuis plus d'un mois, depuis Noël en fait.
Elle me demanda s'il était parti en vacances. Je lui répondis en riant
qu'en effet il m'avait confié avoir des projets de vacances lointaines. Elle
voulut en savoir davantage mais je m'y refusai. Et tu sais comment elle est
Jocelyne ? Pour mon silence, j'eus droit à quelques représailles les jours
suivants.
Un mois passa encore, toujours pas de Bouchon-Meunier. Je me renseignai
alors auprès de notre concierge. Elle m'avoua ne rien savoir sur son absence et
vider régulièrement sa boîte aux lettres. J’appelai ensuite l’Université Pierre
et Marie Curie, je savais qu’il travaillait au laboratoire d’astrophysique.
J’appris qu'il avait foutu le camp on ne
sait où. Personne ne savait où
diantre il était depuis les fêtes de Noël.
J’étais de plus en plus perplexe. Je retournai chez la concierge.
Prétextant l'oubli d'un ouvrage précieux dans l'appartement de Bouchon-Meunier
qui décidément s'éternisait en vacances, je lui demandai de m'ouvrir
l'appartement. Sans hésiter, elle me tendit la clé.
Je montai quatre à quatre les marches de l'escalier, ouvris la porte
essoufflé et enfin entrai à pas mesurés dans l'appartement sombre. Et s'il
était ... Bbrrhh ... Je me rendis à la salle de bains, la boîte n'était plus
là. Je fis un tour minutieux de l’appartement : pas de Bouchon-Meunier. Il
avait bel et bien disparu. Mince alors. Dans le temps, dans le passé ? Je
me pris à espérer qu'il avait soigneusement choisi son époque.
Pendant quelques semaines, j'y pensais souvent. La nuit, je faisais parfois
de drôles de rêves, je le voyais affronter un mammouth, porter harassé des sacs
de sable, subir la torture de la question, gémir blessé dans une tranchée, ...
Je criais et réveillais Jocelyne. Il était peut-être en danger mais que faire,
je ne pouvais pourtant pas alerter la police. Parfois je doutais, me sachant
romancier il avait voulu exciter ma curiosité afin que j'écrive quelque fiction
à son sujet. Mais alors, comment expliquer l’abandon de son appartement, de son
poste de professeur, de ses interventions dans les médias ?
Le quotidien prit rapidement et une fois de plus le dessus. Avec Jocelyne
nous étions débordés, entre le double mariage de Marc et de François, la
préparation du bac de Léa et l'adolescence extravertie de Mathieu. Sans même
m’en apercevoir, je mis toute cette histoire de côté.
Il y a deux mois, un huissier est venu dans l'appartement de
Bouchon-Meunier. Il est reparti les mains vides, visiblement horrifié par le chef d’œuvre domotique. Dans le même
temps, des enquêteurs sont passés à la maison. Je leur ai parlé de mes
relations avec le savant mais j’ai tu la boîte. Qu’aurais-tu fait à ma
place ? La semaine dernière, ma concierge m’a confié que Bouchon-Meunier
venait d’être porté officiellement disparu.
Avant-hier je me suis rendu au Louvre à la section Peinture européenne. Je
voulais vérifier de visu la beauté d’un tableau de Camille Corot, « Femme
en bleu », afin d’illustrer mon vieux roman « Une femme
française » qui va enfin sortir en poche. Quel luxe d’être écrivain,
pouvoir ainsi passer une après-midi au Louvre, en semaine, presque seul avec
tant de chefs-d’œuvre. Je vais accepter la proposition de l’illustratrice, ce
tableau de Corot sera parfait pour mon livre. Tu vois, je diverge encore.
Puisque j’avais du temps, j’ai poursuivi ma visite, j’ai rapidement rejoint
les peintres flamands que j’apprécie tant. Les tableaux de Vermeer sont les
plus touchants, ces miniatures où l’intimité est à fleur de toile.
Et là, devant « L’astronome », j’ai eu un choc. Plus qu’un
choc : la révélation. Cet astronome n’est autre que Bouchon-Meunier. Et
quand j’écris ces mots, je sais que cela paraît absurde, fou, impossible.
Moi-même j’ai l’impression que ma pensée s’égare ... Mais au contraire, c’est
limpide. Mon savant ne pouvait mieux tomber.
Alors ami, quand songes-tu venir en France, car tu sais l’Australie, cela
nous semble bien loin. Jocelyne t’envoie ses amitiés, moi je te serre dans mes
bras et te dis à bientôt.
Michel