L'écriture et moi #1

L’écriture et moi, cela remonte à l’enfance.

Ce n’était pas prémédité, bien plutôt un concours de circonstances. 
Mais avant d’écrire, il s’agit de lire, et là, mes parents ont joué un rôle déterminant.

Ma mère est auxiliaire de puériculture, mon père agent de maîtrise SNCF comme il aimait l’écrire de sa belle écriture ronde sur mon carnet de correspondance. Ma mère lit peu, mon père beaucoup, c’est un autodidacte et en cela je lui ressemble, j'aime apprendre. Mon père vient d’un milieu où il n’y avait pas de livre, j’ai décrit la maison de mes grands-parents paternels dans la nouvelle « Refuge » (Revue littéraire Brèves, numéro 82). Il m’abonne dès mes 3 ans au magazine "Pomme d’Api", Bayard presse. Je serai abonnée, année après année, aux magazines du groupe, et terminerai la lignée avec "Phosphore". Je garde un attachement profond à la revue « J’aime lire » que je reçois à compter du cours préparatoire. Je lis et relis sans cesse les mêmes histoires, sans oublier la bande dessinée déjantée en fin de volume « Tom-Tom et Nana ». 

L’entrée au CP, c’est aussi la découverte de la bibliothèque municipale, avec ma mère, elle m’y emmène chaque mois. Si ma mère m’a inscrite à la bibliothèque, si elle m’y emmène aussi assidûment, c’est sans doute pour que je "réussisse" ma scolarité. J’ai expliqué dans un autre billet combien les attentes de ma famille étaient modestes, l'obtention du baccalauréat, c'était un peu le Saint Graal. Ce n’est pas un reproche, un simple constat, la sociologie explique très bien cela.

Il y a une nouvelle bibliothèque dans ma ville de la banlieue sud-est, une bibliothèque en forme de bateau. Longtemps j'errerai dans ses coursives. Je lis les livres de la bibliothèque rose, rouge et or, les "Oui-Oui", "Le club des cinq", la Comtesse de Ségur. Un jour je découvre « Le pays où l’on n’arrive jamais » d’André Dhôtel, un roman merveilleux à la langue magnifique. Je le lirai de nombreuses fois, dans un état de rêverie profonde. Où s'est caché l'enfant que je fus ?

J'ai huit ans et je lis, je lis beaucoup pour une gamine de mon âge. La lecture sans doute m’aide à vivre, à combler ma solitude de fille unique. Et sans doute du ressenti d’une certaine différence, incongruité ou décalage, que je ne sais expliquer. La lecture me transporte, m’accueille, me tient chaud lorsque je me sens seule.

Je suis une petite fille qui lit, l’écriture viendra fortuitement.

J’ai neuf ou dix ans, je suis en vacances avec mes parents dans la campagne limousine. Nous sommes au mois de juillet, et il pleut, énormément, des trombes d’eau, nous n'allons pas au lac. Je ne connais personne dans le hameau, mes parents sont occupés, je m’ennuie. Heureusement je lis. Jusqu’à trois livres par jour. Bibliothèque verte à présent, surtout la série des Alice détective de Caroline Quine. Je suis avec passion les aventures de cette jeune américaine blonde hitchcockienne dont le père est un avoué de renom et ses amis - éternels étudiants - roulent en décapotable. Chaque personnage a droit à un caractère taillé à coups de serpe, cependant Alice me fait voyager. En Chine, en Ecosse, en Italie, ... Moi je connais que la France et quelques unes de ses frontières.

A raison de 3 livres par jour, le stock s’épuise rapidement. Plus rien à lire et presque rien à faire. Je m’ennuie … Mon pire cauchemar, l'ennui, aujourd'hui encore. Alors je demande un cahier, un stylo. Et là, de mon écriture enfantine et maladroite, j’écris les premières lignes d’une histoire policière. L'enquête a lieu en France, pourtant, « Alice » et ses amis ne sont pas loin ;)

J’écris un pauvre plagiat pour me désennuyer et surtout pour me lire ensuite. Je ne sais pas que l'on ne peut lire ses propres livres, beaucoup trop proches, la chair de notre chair.

Cet été-là j’écris une quinzaine de pages. Sans deviner que cet événement fortuit ouvre une porte dérobée, donnant sur un chemin de traverse, celui de la littérature. Et rien de moins.

à suivre ...