L'écriture et moi #3




J’ai raconté dans mes deux premiers billets l’écriture découverte durant l’enfance un jour de pluie, en vacances, où tous les livres emportés avaient été lus. J’ai parlé du lycée, des lectures obligatoires et de toutes les autres, et aussi du premier roman, jamais terminé, de la trêve estudiantine.

Un jour, commence la vraie vie adulte. Avec un job (cf. mon billet « L’intelligence artificielle et moi » #1 sur le réseau LinkedIn), un appartement à soi et des factures. Ce moment, on l’a longtemps rêvé, enfin la liberté. On découvre aussi l’envers du décor : les contraintes. C’est à ce moment-là que l’envie d’écrire revient, envie pressante, il me faut écrire un roman.

Je le commence à la main, sur de belles feuilles blanches sans lignes, avec des feutres de couleur à la pointe fine. Je m’applique autant sur le style que sur mon geste d’écriture. Je me relis beaucoup, raye de longues phrases, puis recopie le tout sur de nouvelles feuilles blanches. Quelque temps, je reste dans ce processus manuel avant de m’offrir mon premier ordinateur portable, un Toshiba. J’ai oublié le titre de ce roman, il commençait par un accident, une voiture percutant un deux-roues. Quand j’étais adolescente, ce même accident avait eu lieu sous mes fenêtres, il m’avait marquée, bouleversée, choquée, longtemps le cri d’un des deux jeunes sur le deux-roues m’avait hantée. Pourtant je n’avais jamais pu en parler. J’en tirai alors une histoire complètement imaginaire, une réparation de la réalité en quelque sorte. Je passai un an à travailler ce roman, chaque soir en rentrant du bureau, le weekend aussi, un an à écrire avant que le doute ne s’installe et que le roman inachevé ne rejoigne le tiroir.

Du temps passe, je change de mission, un jour je mets en chantier un nouveau roman, le troisième. Cette fois il s’agit d’une enquête policière à l’ancienne. Pour celui-ci aussi, après quelques mois d’écriture, direction tiroir.

Comme l’a confié Anna Gavalda à la sortie de son premier recueil de nouvelles « Je voudrais que quelqu’un m’attende quelque part » : « premier livre publié ». Le coup de génie tel celui d’une Françoise Sagan est rare.

Si l’écriture n’aboutit pas, si mes livres restent inachevés, cependant je travaille, je forge mon style. Je découvre devoir désapprendre ce que j’ai appris à l’école. La phrase peut être déstructurée si je le veux. L’écriture c’est la vraie liberté.

Pendant ces années, je complète ma culture à trous, des voyages et des musées, je découvre également des auteurs importants : Colette, Marcel Proust, Virginia Woolf, Francis Scott Fitzgerald, Simone de Beauvoir, Raymond Carver, Dino Buzzati, ... Pourtant je ne peux lire et écrire sur une même période. Lire Proust ou bien Colette, puis chercher à écrire dans le même temps, est alors trop difficile pour moi, je ne peux faire taire la petite voix intérieure qui inlassablement compare. Aujourd’hui j’ai perdu ce blocage.

Parmi ces auteurs, plusieurs grands et grandes nouvellistes. Cela m’inspire. Je me mets à la forme courte, aux "short stories". J’y vois une manière d’exprimer de façon plus ramassée une idée. Il me faudra du temps pour comprendre que l’écriture fictionnelle ne repose pas sur des idées mais sur des émotions. J’écris, j’écris, j’écris beaucoup de nouvelles, je me souviens même de l’une d’elles « Papillon citron » que j’écris lors d’une journée de congés.

Récemment j’ai relu nombre de ces textes, la plupart sur le mode du fantastique léger. Je souhaitais en publier quelques-uns sur mon blog, quitte à les retravailler un peu. Je dois avouer que j’ai été déçue, je ne les ai pas trouvés bons. Je les ai conservés par nostalgie, j’aurais pu tout aussi bien les supprimer.

Alors que j’avais en tête d’avoir bientôt un premier enfant, j’ai décidé d’écrire un recueil de nouvelles et d’aller au bout cette fois en vue d’une publication. Si l’on compte, cela faisait plus de dix ans que j’écrivais et rien de concret n’en était sorti, presque personne n’avait lu l’un de mes textes. J’ai écrit un recueil de nouvelles s’appelant « La grotte aux souvenirs », éponyme de la première longue nouvelle, une histoire onirique. Innombrables relectures et corrections. Puis je l’ai soumis aux maisons d’édition parisiennes, celles situées dans les 5ème et 6ème arrondissements. J'ai pris une journée de congés pour aller déposer mes manuscrits. J’étais tellement timide, j’aurais pu tout aussi bien les poster, je n’ai pas dit plus de 3 mots. Je me souviens d’une belle journée ensoleillée, de cette balade parisienne, d’être rentrée chez moi avec ce sentiment de devoir accompli.

Quelques semaines ont passé. Les réponses sont tombées : toutes négatives. Les éditeurs me disaient ne pas publier de nouvelles d’un auteur inconnu. Aucun ne semblait avoir ouvert le manuscrit. Hormis les éditions Denoël. Les trente - quarante premières pages avaient été lues et annotées au crayon de papier. Un rayon d’espoir. Je les ai appelées. Denoël ne publiait pas … de nouvelles d’un auteur inconnu. Ils ont ajouté cependant qu’il ne fallait pas abandonner, se tourner vers les petites maisons d’édition en province.

C’était un bon conseil, je l’ai suivi, quelques années après, pour un autre recueil. Dans l’intervalle, j’ai eu ma première fille, j’ai changé d’entreprise, déménagé, repris des études, littéraires cette fois, que j’ai abandonnées lors de mon stage d’intégration en usine, je n’arrivais plus à rendre les devoirs dans les temps.

J’ai posé le stylo de l’écriture pour quelques mois … C’était une pause, pas un abandon.

 

A Suivre …

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